Initiation de la corrosion par les chlorures et seuils critiques de concentration

Sur quel seuil critique de concentration en chlorures peut-on se baser pour identifier l’initiation de la corrosion ?

Initiation de la corrosion par les chlorures

La corrosion par les Chlorures

L’une des causes principales de corrosion pour les ouvrages en béton armé est la contamination aux ions chlorures. Ces éléments sont particulièrement présents en zone littorale (embruns marins ou eau de mer). Cependant, on les retrouve également dans les produits de déverglaçage des chaussées, ainsi que dans certains produits industriels servant à la fabrication du béton.

Le béton étant un matériau poreux, les chlorures le contaminent progressivement, par un processus plus ou moins lent de diffusion. A partir d’un certain seuil de concentration de ces agents pathogènes dans le béton, la corrosion s’initie. Les aciers commencent alors à se corroder localement.

L’intérêt d’identifier un seuil critique de concentration en chlorures pour un diagnostic

Lors du diagnostic d’une structure en béton armé, nous allons notamment chercher à connaître la cause de la pathologie de l’ouvrage. Pour cela, il faut prélever des échantillons de béton sur l’ouvrage. Ces prélèvements, carottes ou poudres, sont par la suite analysés en laboratoire.

Ces analyses visent à de multiples objectifs. Il s’agit d’identifier une pathologie et de déterminer son origine physico-chimique, de mesurer des propriétés physiques et/ou mécaniques… Dans le cadre d’une corrosion par les chlorures, on va pouvoir mesurer par titrimétrie ou chromatographie la concentration de ces ions dans l’échantillon. C’est le Dosage des Chlorures. Nous mesurons la quantité de chlorures présents rapportée à la masse cimentaire. Cela nous permet de déterminer le degré de contamination du béton.

La pratique courante de l’interprétation de ces mesures s’appuie sur un seuil de concentration en chlorures « universel », pour lequel nous serions certains que la corrosion par chlorures s’initie réellement. En effet, plusieurs documents réglementaires, tels que la norme EN 206 : 2016, proposent une limite de la quantité maximale de chlorures initialement présents dans la formule de béton. Dans ces textes, on retrouve souvent la valeur de 0,4% de chlorures par rapport à la masse de ciment. Cette limite ne doit en aucun cas être utilisée comme un seuil d’initiation permettant de conclure sur un éventuel risque de corrosion.

Seuil d'initiation de la corrosion par chlorures

Un seuil ou des seuils critiques de concentration en chlorures ?

Le seuil critique dépend en réalité de nombreux facteurs propres à l’acier, au béton et à l’interface acier-béton. Ce sujet a été largement étudié dans les travaux de Ueli Angst, Raoul François et Chantal Chalhoub . Un béton avec additions minérales présentera, par exemple, un seuil deux à trois fois supérieur à celui d’un béton ordinaire.

Ce seuil varie donc d’un ouvrage à l’autre. Il doit être mesuré scrupuleusement, s’il est destiné à être utilisé comme un indicateur de corrosion. En effet, pour une même concentration en chlorures libres, un ouvrage peut présenter une corrosion active (concentration supérieure à son seuil propre réel) alors qu’un autre peut être dans un état sain (concentration inférieure à son seuil réel). Par conséquent, avant de dresser des conclusions hâtives, il est capital de déterminer quel seuil critique déclenche réellement l’initiation de la corrosion sur l’ouvrage investigué.

seuils de concentration en ions chlorures pour deux bétons de nature différente

Pour conclure, nous vous proposons de découvrir notre démarche sur mesure de définition du seuil critique pertinent, ouvrage par ouvrage.

Sur la base d’un travail de recherche, CORROHM a développé un protocole innovant pour évaluer en laboratoire un seuil d’initiation propre à chaque ouvrage existant. À cet effet, on prélève dans l’ouvrage un nombre limité de carottes de béton contenant un morceau d’armature en acier. Ces carottes sont qualifiées d’anodes et sont soumises à plusieurs traitements visant à atteindre différents niveaux de contamination par les chlorures.

Naturellement, ces prélèvements sont réalisés dans des zones non critiques du point de vue mécanique. On utilise également des éprouvettes témoins en béton armé, connues et à l’état passif, qualifiées de cathodes. On réalise alors des couplages galvaniques entre les anodes contaminées et les cathodes, et on mesure les courants de corrosion échangés.

Nous sommes ainsi capables de déterminer avec précision si la corrosion a été initiée par les ions chlorures ou non, pour différents niveaux de contamination ! À partir de cette expérience, nous savons quel seuil critique convient pour l’ouvrage étudié.